Compte rendu des sorties du 10 et 12 novembre 2020. Course réalisée dans la cadre de la liste complémentaire de la promotion 2020/21 du Dejeps Spéléologie.

 

3 spéléologues pour le pré-équipement du 10 novembre (Guillaume, Romain et Marine), 3 kits d’équipement, Tpst 6h30

7 spéléologues pour l’assaut du 12 novembre (équipe 1 : Antoine, Marine, Christophe et Kévin / équipe 2 : Guillaume, Paul, Romain), 6 kits d’équipement + 1 kit pharma, Tpst équipe 1 : 16h, Tpst équipe 2 : 14h.

 

 

Le pré-équipement 

 

Mardi 10 novembre : pour cette première journée au Chourum des Aiguilles, nous sommes à 10h au départ du parking du col du Festre. Le temps est beau ; des premières neiges tombées début novembre, on aperçoit quelques vestiges en face nord du plateau de Bure, mais le Vallon des Aiguilles exposé sud, en est totalement exempt.

 

 

Guillaume, sa copine Andréa, Romain et moi-même, mettons 2h à atteindre l’entrée de ce chourum historique du Dévoluy. La marche avec les kits nous réchauffe, bien qu’on avoisine les 5 degrés (le court passage en rocher du GR un peu avant l’entrée du Vallon des Aiguilles est complètement gelé). La marche est splendide dans l’antre de ce vallon encore bien vert pour la saison. Nervuré par les méandres d’un ruisseau tranquille, cet ancien verrou glaciaire prend des allures de tourbière à l’herbe bien grasse.

 

 

C’est un de ces lieux Dévoluards singuliers, qui tranche avec le paysage local plutôt composé d’austères sommets calcaires s’élevant en sanctuaires et ceints par de vastes pierriers pénibles, semblables à des étendues de sable.

 

Une pente drue et herbeuse nous mène de façon chaotique, chacun traçant son propre itinéraire, au-delà de l’épaule caractéristique qui forme le flan rive gauche du vallon. Après quelques minutes de recherche zigzaguant entre les différentes dolines du secteur, l’entrée nous saute aux yeux.

 

Devant le grand kairn caractéristique, (au pied duquel résiste un petit névé) nous profitons des derniers rayons du soleil et attaquons l’équipement à 12h30. Objectif : atteindre le R6 qui suit le Puits du Lac à -235m, en déroulant les 3 gros kits montés jusque là.

 

 

J’équipe le kit 1, jusqu’en bas du P7 du Chamois, pas de soucis particulier à l’équipement… les vieilles échelles en bois pourri ou au métal rouillé qu’on descend sur corde, nous plongent dans une ambiance old school années 70... curieux dépaysement.

 

Puis c’est au tour de Romain. Sur le kit 2, nous rencontrons quelques soucis, ça commence avec un petit ressaut de 3 m non noté sur la topo (situé immédiatement après le Puits Chamois). On commence à l’équiper (présence de quelques spits pour une Main Courante) puis on se rend compte que ça passe par la droite avec une petite désescalade. Etant la seule non-octogradiste de cette team de grimpeurs, je décide d’y laisser un petit bout de corde à nœud, histoire d’assurer une remontée sans encombre (ce rataillon de vieille corde dynamique bleue s’y trouve encore, car on l’a finalement oublié au déséquipement!)

 

 

 

 

 

Petit ressaut de la corde bleue

 

 

Après ça, s’enchaîne le P10 de la Chauve-souris, puis nouvelle problématique, on équipe (à nouveau) un ressaut absent de la topo ; 12m en 2 paliers entre le méandre des Boutons et le Puits du Pilier. Bien évidemment, plus tard, on se rend compte qu’il ne s’agissait pas du Puits du Pilier, car plus loin dans l’équipement ça cafouille. En effet, nous avions prévu une C40m à la place des 2x20m suggérées pour équiper en enfilade le Puits de l’Auvergnat et la MC+R6 ; mais avec le décalage créé par le ressaut « fantôme », cette C40m se retrouve absurdement à serpenter sur le sol en bas du Puits du Pilier qui fait à peine 10m. Soit, on s’adapte en prenant la 15m au fond du kit 3 (initialement prévue pour le R8 juste après le Puits du Lac), je rééquipe donc le Puits du Pilier (désormais amputé de ses 2 mètres de main courante initiale), pendant que Romain et Guillaume récupèrent la 40m et attaquent l’Auvergnat et le R6.

 

 

Guillaume débute l’équipement du Kit 3, mais la C30m prévue pour le Château de Cartes n’est pas suffisante alors il la raboute avec la 10m restant en fond du kit (10m censée sécuriser le R6 après le R8 et le Puits du Lac).

 

Sol meuble et chutes de pierres… notre progression se veut prudente et délicate alors que nous descendons le petit pan mi rocheux mi marneux qui rejoint le grand pilier central dont la stabilité est assez déconcertante. Cette salle d’un beau volume composée de Sénonien pourri a des allures de mikado organisé. Les feuillets alternent entre calcaires cassants de consistance molle et calcaires cassants de consistance dure. Ces derniers visiblement plus résistants à l’érosion restent tendus au dessus du vide tels des milliers d’épines de Damoclès... autant d’épées qu’il vaut mieux s’abstenir d’effleurer. Nous sommes bien vigilants à la descente et le serons d’autant plus à la remontée à bien respecter l’axe du relais dans ce Puits aux dents scélérates.

 

 

Nous sommes maintenant à - 200m et posons notre petite corde de sécurité (6 m) sur la barre branlante du court R4 qui donne sur la jonction avec la Salle à Manger. De là, aucun doute il faut aller vers le bas où souffle un fort courant d’air. Pendant que Guillaume et Romain s’avancent vers le Puits du Lac, je zieute le redoutable plancher de calcite à droite du laminoir des courants d’air et y risque quelques pas. Il invite à être foulé ce large parquet aussi lisse et scintillant que la glace d’une patinoire, je ne suis qu’à 10 m d’une corde en place située rive droite ; mais les nombreuses anecdotes macabres de ce plancher suspendu me laisse pressentir un vide sous les pieds trop immense pour être sciemment défié.

 

 

Enfin, bien qu’on en ait été préservé jusque là, l’équipement du Puits du Lac, nous laisse entrevoir que la suite de ce chourum sera très probablement humide. Les amarrages naturels en tête de puits qu’il faut aller dénicher et sélectionner avec soin, renforcent les talents d’acrobate de Guillaume.

 

 

 

 

Le Puits du Lac

 

 

Au sommet du Puits du Lac, à -220m, il est alors 19h, nous n’avons plus un brin de corde à fixer et nous hâtons de remonter jusqu’à la sortie (1h).

 

Devant l’entrée du chourum, nous abandonnons aux chocards et autres marmottes, nos baudriers et torses afin d’optimiser la descente dans les pentes grasses et surtout la prochaine montée chargés de kits qui nous permettront, on l’espère, de taper le fond de ce chourum mythique. 1h30 plus tard, nos chevilles intactes, nous sommes de retour au parking du col du Festre, il est totalement désert...le second confinement sévit.

 

 

D’ici 5 petites minutes, ce sera l’heureux retour dans la chaleur enveloppante du foyer. Deux mondes aux géographies si proches et pourtant inverses se jouxtent ; comme un passage entre deux hémisphères d’une même terre... un lac de l’autre côté du miroir.

 

 

L’assaut

 

Jeudi 12 novembre, retour au Chourum des Aiguilles. C’est aujourd’hui que les choses vont se jouer jusqu’à aboutir ou pas. Vouloir toucher le fond, certes, mais l’atteindre suffisamment vite pour ne pas endurer l’hypothermie et s’épuiser là-dessous. Les récits disponibles de sorties spéléo dans le Chourum des Aiguilles se résument à un article daté de 1999 du Spéléo-Club de Gap, qui a réalisé la course en hivernale pour plonger le siphon. L’absence de documentation et d’information exhaustive sur cette classique oubliée, lui donne un charme presque effrayant et invite à la réserve.

 

 

 

Nous avons planifié une grosse journée avec pour objectif d’atteindre le siphon terminal à -680 mètres, suivi du déséquipement intégral de la cavité, soit au total 9 kits pour 7 porteurs... une bonne mission. L’entrée successive de deux équipes a été organisée : équipe 1, composée de Antoine, Kévin, Christophe et moi (qui connaît le chemin d’accès), suivi à 2h d’intervalle par Romain, Guillaume et Paul. Au contenu des 6 kits d’équipement qui contiennent les cordes annoncées par la topo, on rajoute au moins 2 x 10m, et Paul prend en plus une 20m (brillante initiative)

 

 

Nous voilà donc à 7h du matin au départ du parking du col du Festre... une équipe 1 avec des petits yeux car elle aurait bien dormi un peu plus pour digérer la copieuse raclette de la veille. La marche est très fraîche à cette heure, mais distrayante car Laurène, une amie chiroptèrologue nous accompagne jusqu’à l’entrée.

 

On pénètre dans le chourum à 9h30, après s’être changés et réchauffés aux rayons de ce soleil qu’on ne reverra assurément pas avant au moins un tour complet de cadrant. Il nous faut 1h 15 pour atteindre le bas du Puits du Lac (une large flaque en fait) et commencer l’équipement des R8, R6 et R4 qui le suivent.

 

C’est le début des problèmes, tous les obstacles sont très difficiles à équiper, la friabilité des AN est constante, il faut redoubler d’ingéniosité en équipe pour trouver des solutions. Il n’y a pas de demi mesure comme c’est souvent le cas dans l’équipement d’autres cavités, où le leader fait un équipement sécuritaire mais en général rapide qui a vocation d’être peaufiné ensuite par ses coéquipiers à l’arrière. Ici soit l’AN tient, soit il casse, peut importe sa taille d’ailleurs. La notion spéléologique d’Amarrage Naturel « béton », c’est-à-dire irréprochable est relative dans le calcaire du chourum des aiguilles.

 

Notre progression est de ce fait très lente, de plus on fixe les 2 cordes de sécurité de 10m qu’on a emmené, il y a donc de nouveau des ressauts fantômes, qu’on a équipés par erreur. En tête avec Antoine, on va s’échiner pendant 30 minutes à trouver la suite d’une main courante spitée qui commence au dessus du P22 du Puits de la Trempette, il n’y a pas de doute dans nos esprits car c’est le premier endroit du parcours, où on se prend à proprement parler la grosse douche. On ne parvient pas à trouver pas de descente hors d’eau sur ce Puits de la Trempette ; à quelques dizaines de mètres, Kévin et Christophe, au sec commencent à s’impatienter. Christophe finit par se mêler à la recherche et passe bien en bas par le fond du ressaut où on a fait débuté la MC de ce qui, à l’évidence et topo détaillé à l’appui, ne peut pas être le Puits de la Trempette selon lui. Soit, nous déséquipons, et désescaladons enfin ce foutu ressaut pour sortir de la douche. Antoine et moi sommes trempés jusqu’aux os, frappés d’incompréhension et d’un peu d’entêtement. Mais en effet le Puits de la Trempette, arrive après bien 10 minutes de cheminement, cette incertitude sur notre réelle position sur le parcours, persiste pendant quelques temps et n’est pas source de cohésion.

 

 

Le groupe 2 nous rejoint à 13h, alors que nous attaquons seulement l’équipement du kit 2 (de la première équipe), 2h d’équipement pour un kit, ça n’est pas franchement engageant pour un début de course d’ampleur comme celle-là. Mais on positive, le tout c’est d’avancer prudemment puisqu’on ne peut pas avancer rapidement, Christophe est à l’œuvre.

 

La suite reste compliquée, on récupère à deux reprises des cordes qu’on a fixées sur des ressauts en désescalade car elles risquent de manquer pour la suite. Les désescalades ne sont jamais exposées mais exigent d’être vraiment alerte, ce rocher ne se « grimpe pas », on s’y agrippe toujours avec le maximum d’appuis et de friction que notre corps peut apporter. Ces nombreuses désescalades de petits ressauts représentent des facteurs cumulés de perte de temps en lecture et d’engagement relatif dont on découvre l’importance au fil du parcours. Même les obstacles notés sur la topo demandent toujours une bonne réflexion collective pour choisir l’équipement le plus adapté.

 

Maintenant bien frigorifiée, car notre rythme est trop lent pour pouvoir se réchauffer, je sors le point chaud pour retrouver un peu de couleur (je l’ai sorti au moins 4 fois au cours de cette grande course). D’ailleurs tout le monde aura utilisé sa bougie et sa burkanet de survie au moins une fois dans ce trou, à l’exception de Romain.

 

 

Originalité de ce château de cartes permanent qu’est le chourum, le Puits Jacques. Un P33m, situé à – 410m ; il débute par une MC curieusement prisonnière d’une diaclase très étroite, composée de 2 gigantesques lames coincées. Sous la tête de puits, on remarque tous une ancienne déviation artisanale composée de 3 tiges de fer triangulées (en fait des fils téléphoniques) qui fait son effet. Et quelle surprise quand on s’engage dans la descente du puits de constater l’enchevêtrement suspendu et le vide sous l’énorme écaille qui forme la diaclase étroite et le fragile plancher de la main courante.

 

 

 

 

 

 

Romain dans la diaclase à l’approche du Puits Jacques

 

 

Ensuite Kévin attaque l’équipement des puits qui précèdent la salle du camp à -500m, son travail est efficace malgré la roche toujours pourrie, il a même un instant de poésie sur une tête de MC qu’il compose d’une plaquette sur goujon de 8 et d’un AS fiché à la manière d’un câblé dans une petite faille de calcaire qui semble plus résistante que les voisines. Incroyable qu’on puisse faire ce type d’équipement dans ce trou. Par ailleurs il est étonnant de constater notre capacité d’acclimatation à une roche qu’on peut objectivement qualifier de merdique. Au fil de cette lente descente vers le fond, mon regard évolue sur ces AN branlants qu’on sélectionne tout bonnement car c’est les seuls qui restent debout… ils ne sont pas si forains que ça après tout.

 

Avant et après la salle du camp, et ce jusqu’au terminus le trou est vraiment arrosé, chacun est trempé. L’arrivée à la petite salle du camp, dont le sol est sableux et sec, offre un moment de répit. Certains grignotent une barre, mais ce n’est pas le genre de trou où on s’accorde 20 minutes pour manger ensemble, à ce stade notre credo c’est de continuer notre lente avancée vers le fond. Il est assez fou de constater notre horaire de progression par obstacles par rapport au descriptif du topo.

 

 

Après le camp, Guillaume équipe le P24 du Puits du Minotier, qui porte bien son nom. Il faut aller chercher des AN loin dans une écaille de l’autre côté du fil du pilier pour placer la corde hors crue, le rocher semble plus sain et compact ici que nulle part ailleurs dans le chourum. Un peu plus loin, on passe à côté des cordes fixes qui permettent d’emprunter la Voie Express, déconseillée car vétuste.

 

Paul se lance ensuite dans l’équipement du Puits Jo, un beau P22m.

 

 

À nouveau, de belles dimensions, nous approchons du fond. Je songe à l’exaltation des premiers explorateurs de ce chourum qui face à ces volumes spacieux, ont tant espéré découvrir le tube collecteur à la hauteur du débit monstrueux qui s’écoule à l’exsurgence de la source des Gillardes, au point le plus bas du massif du Dévoluy.

 

Farce du monde souterrain qui tour à tour est un lieu de fantasme et un milieu terre à terre.

 

 

Le Puits Jo a une configuration de tête de puits qui n’est pas très engageante : un piton au sol et des mauvais AN (enfin ceux qui survivent à la prospection méthodique de Paul) sur la droite. Les silex qui dépassent du calcaire encore debout ici, forment à quelques reprises des petites fenêtres chétives dont l’équilibre défie la gravité.

 

                                           Paulo en pleine débrouille

 

                                           Christophe dans son hublot

 


 

Malgré nos efforts conjoints pour faire au mieux, on tonchera franchement dans ce puits, la corde en 8mm toute neuve d’Antoine, la faute à un petit aileron tranchant qui attrape la corde à chaque remontée d’un nouveau spéléologue.

 

Vient ensuite le méandre Serrano, moins accrocheur que son nom pourrait laisser croire et fort heureusement court. Il débouche sur le palier médian du grand Puits Moustique, un P35, toujours bien arrosé. Tandis que Romain déroule notre dernier kit dans ce puits, le temps se distend... Christophe et Paulo stationnent sur le palier humide et le reste de la team est vautrée dans le froid à l’abri au cœur du boyau.

 

 

 

 

 

 

Hypothermie joyeuse au fond du Serrano

 

 

 

 

Le rythme de lecture, de sélection stratégique des AN potentiels, la désignation des heureux élus et enfin le franchissement de l’obstacle est le même que depuis ce matin, mais les heures passées sous terre commencent à être douloureuses. A 8 degrés, intégralement trempés, notre endurance au froid atteint son paroxysme.

 

De plus, le puits Moustique n’est pas plein pot, il y a 2 déviations et un fractionnement qu’il faut dénicher sur sa proue instable en rive gauche, c’est laborieux (le frac est partiellement posé sur un petit gendarme de la proue qu’une immense sangle à frotter enserre… sûrement qu’une telle masse encaisse mieux la charge ; charge qui éclaterait sans aucun doute les petits bras ou les lunules de silex qui composent le gros bloc).

 

 

 

 

 

 

  Le palier du Puits Moustique vu  depuis le  méandre Serrano

 

 

En bas du puits Moustique, alors que s’équipe le Puits terminal de la Déception, P13 ; un camp de burkanet se déploie. Ambiance très humide mais on touche au but.

 

 

 

 

 

 

 

                                    

      3 spéléos, les mains sur leur bougie, les pieds dans la boue

 

 

 

 

Enfin, à 19h15, nous atteignons le bas du Puits de la Déception, bien nommé car il finit sur un minuscule siphon, plutôt laid et noie tout espoir d’apercevoir un méga tube collecteur.

 

Heureux mais conscients que l’aventure ne se terminera bel et bien qu’à la sortie du chourum 680 mètres plus haut, on ne s’attarde pas.

 

 

 

Nous venons de passer un peu moins de 10h de temps à équiper ce trou jusqu’au fond, désormais la perspective d’être en mouvement et de se réchauffer pendant la montée l’emporte sur la fatigue. Saluons l’initiative de Paulo, d’emmener cette 20 m de secours supplémentaire avec laquelle nous avons équipé le Puits de la Déception. "La dernière corde dans le dernier puits".

 

 

 

La remontée est agréable et bien régulière, on sortira les points chauds à la salle du camp (vieilles bâches bien utiles) et un peu plus loin sur le trajet.

 

 

 

...Après quelques heures à brasser de la corde, à se réchauffer, à se retremper en franchissant les nombreux petits ressauts qui exacerbent l’actif ; Paulo termine le renkitage du dernier sac, qui déborde bien comme il faut. A l’approche de la sortie on sent l’air nous mordre de plus en plus, c’est certain dehors il gèle.

 

 

 

Il est 1h30 du matin quand le dernier sac est hissé hors de ce trou. Kévin, Antoine et Christophe sortis en éclaireurs avec plusieurs kits, doivent nous attendre depuis à peine 30 minutes mais ils sont pâles et frigorifiés. Il nous a fallu presque 6h pour rejoindre la surface et déséquiper le chourum, soit un Temps passé sous terre total de 14h à 16h selon les équipes. Belle sortie.

 

 

 

Juste le temps de récupérer les vêtements laissés à sécher au soleil après la montée de ce matin, il sont raides et perlés de givre. On distribue les cordes des 2 kits supplémentaires pour équilibrer la charge de chacun et débute la longue redescente dans la nuit étoilée.

 

Kévin et Antoine partent en premier, mais basculent du mauvais côté, ils se mettent une mission pour remonter sur l’épaule qui permet de basculer dans le vallon des Aiguilles. On suit tout ça à distance car avec les frontales de chacun, chaque binôme tire sa propre descente dans les pentes rendues hyper glissantes par le givre sur l’herbe grasse. Chutes et cascades en série... sept petits cercles jaunes s’agitant sous l’immensité du ciel. Miracle personne ne se tord la cheville, le retour est long et difficile avec le poids des sacs et la fatigue. Certains s’essayent à la luge avec un kit, mais sans freins cela s’avère bien plus risqué que la spéléo. Le cours passage rocheux, exposé au dessus du ravin de la cascade de Saute-Aure, constitue le dernier challenge vigilance de la journée. Mais après, la redescente jusqu’à la cabane du Chauvet et enfin le parking du Col du Festre paraissent bien longs à parcourir. Arrivés à 3h du matin aux voitures, nous nous réchauffons sommairement et rentrons mécaniquement jusqu’à la maison.

 

 

 

 

 

Épilogue

 

 

 

 

Une s’aventure humaine et épique s’achève. Couronnée par un festin nocturne préparé par l’arrière garde à la Cluse ; la course du Chourum des Aiguilles s’impose comme l’une des courses les plus difficiles psychologiquement jamais vécue pour ma part.

 

 

 

La nature de la roche, les milles et uns ressauts surprises du cheminement et surtout la résistance dont il a fallu faire preuve contre le froid, n’en font pas « un -700 facile ». Une course unique où furent au rendez-vous un bel esprit d’équipe et une heureuse défonce physique.

 

 

 

Je ne pense pas un jour retourner taper le fond du chourum des Aiguilles, au moins au cours des 10 prochaines années… Néanmoins le caractère et l’engagement d’une classique délaissée comme celle-ci, s’érigent en reliques précieuses au fil du temps.

 

 

 

Ils incarnent bel et bien le pilier d’angle de notre pratique spéléologique qui tend vers toujours plus de modernité. Ils sont la roche mère de ces expériences inoubliables qu’on ne se lasse pas de goûter et de partager.

 

 

 

Crépuscule sur la Crête des Bergers, versant ouest du Plateau de Bure